
Cancer du bas rectum : un ennemi discret mais redouté - état des lieux, moyens de détection et espoirs thérapeutiques
Par Dr Anwar CHERKAOUI, expert en communication médicale et journalisme de santé
Caché, silencieux, sournois. Le cancer du bas rectum, logé à quelques centimètres à peine de la marge anale, ne fait pas de bruit... mais il inquiète.
Par sa localisation intime, ses conséquences fonctionnelles, et les dilemmes qu’il pose aux chirurgiens, oncologues et radiothérapeutes, indique Dr Abdeillah Souadka, président de la Société Marocaine d’oncologie digestive (SMOD), qui organise son 3eme congrès national, à Tanger, les 11 et 12 juillet, sur les actualités diagnostiques et thérapeutiques 2025 du cancer localisé du bas rectum.
Alors qu’il ne représente qu’environ 8 à 10 % de l’ensemble des cancers colorectaux, ce cancer, plus fréquent chez les hommes après 60 ans, exige une stratégie diagnostique et thérapeutique de haute précision.
Car ici, chaque millimètre compte.
Et chaque décision peut changer une vie.
Une localisation à part dans l’univers colorectal
Le cancer colorectal est l’un des plus meurtriers au monde.
Et s’il frappe aussi bien le côlon que le rectum, c’est bien le tiers inférieur du rectum, à moins de cinq centimètres de l’anus, qui concentre les cas les plus complexes.
Pourquoi ? Parce que cette zone est étroite, difficile d’accès, et intimement liée aux fonctions d’évacuation, à la continence, mais aussi à la sexualité et à l’image corporelle.
Autant dire que le traitement dépasse la simple ablation d’une tumeur : c’est toute la qualité de vie qui est en jeu.
Le défi du diagnostic précoce
Détecter tôt, c’est sauver l’essentiel.
Encore faut-il oser en parler, oser consulter.
Trop souvent, le tabou de la région anale retarde la première visite.
Et pourtant, les moyens existent :
Coloscopie ou rectoscopie : pour voir la tumeur, la prélever, la classer.
IRM pelvienne de haute résolution : outil de choix pour cartographier l’étendue locale, visualiser les ganglions, anticiper l’opérabilité.
Échographie endorectale : précieuse pour les petites tumeurs, notamment si l’on vise une approche conservatrice.
Tests immunologiques dans les selles : utilisés en dépistage de masse chez les sujets à risque à partir de 50 ans.
Le mot d’ordre ? Ne jamais banaliser un saignement anal, un changement du transit ou une douleur inexpliquée au niveau du rectum.
Des traitements personnalisés et plus intelligents
La stratégie actuelle repose sur une approche dite multimodale : radiothérapie, chimiothérapie, chirurgie… dans un ordre savamment ajusté à chaque cas.
Pour les tumeurs localement avancées, la tendance est à la radiochimiothérapie préopératoire.
Cela permet de réduire la taille de la tumeur, faciliter l’opération, voire l’éviter.
Ensuite vient la chirurgie. Elle peut être radicale (amputation abdomino-périnéale) ou conservatrice, si les conditions anatomiques le permettent.
Parfois, aucune chirurgie n’est réalisée, dans le cadre de la stratégie « watch and wait », lorsque la réponse à la radiochimiothérapie est complète.
Un espoir immense pour ceux qui redoutent les séquelles d’une stomie définitive.
Nouveaux traitements, nouveaux espoirs
La recherche avance, et les résultats sont prometteurs.
L’immunothérapie, jusqu’ici réservée aux formes métastatiques, commence à se faire une place pour les tumeurs présentant des anomalies spécifiques (MSI-H, dMMR).
La Total Neoadjuvant Therapy (TNT), qui administre la chimiothérapie avant même l’opération, est en train de s’imposer dans les centres d’excellence.
Quant à la chirurgie robotisée, elle ouvre la voie à des gestes plus fins, avec moins de complications, surtout dans le pelvis étroit de l’homme.
Mais ces innovations ne doivent jamais faire oublier l’essentiel : préserver la dignité du patient, lui éviter des mutilations inutiles, et lui offrir une vie après le cancer.
Briser le silence, sauver des vies
Le cancer du bas rectum ne doit plus être un tabou.
Il doit être un sujet de discussion dans les cabinets médicaux, les médias, les familles.
Car plus le diagnostic est tardif, plus le traitement est lourd, et plus le pronostic est sombre.
Les campagnes de dépistage, l’éducation sanitaire, la formation des médecins généralistes et l’accès aux techniques modernes sont nos meilleurs alliés.
Le bas rectum est une zone étroite, mais c’est un haut lieu de combat pour la médecine humaine.
Et ce combat, c’est aussi celui de l’information, de la prévention et du respect de la parole du patient.
Mots-clés: Congrès, Cancérologie, diagnostic